Formule magique pour des repros sans surprises

Hier soir, une bonne adoptante, sérieuse et impliquée, m'indiquait qu'elle arrêtait complètement d'adopter des rats. Et ce en partie à cause de deux femelles qu'elle a adopté chez moi ayant eu toutes deux une santé à déplorer. Croyez-moi, ce n'est pas quelque chose dont on peut être fier et qu'on a plaisir à entendre.

Notez bien que ce texte n'est absolument pas une critique envers cette adoptante, qui a dit franchement ce qu'elle pensait et qui a eu raison de donner son opinion. Nous devrions tous parler honnêtement, comme elle l'a fait ce soir là, quelque soit nos avis. Le monde de l'élevage y verrait plus clair.

Ce texte est le fruit de mes réflexions toute la nuit durant, quand cette conversation tournait et retournait dans ma tête en m'empêchant de dormir.

Mon "taux de connerie"

En théorie, nous avons tous une image assez similaire de ce que peut-être une bonne "repro" en élevage de rats.

Au minimum parents et grands-parents connus, avec fratrie des parents correctement suivie. Ages corrects, poids correct chez la femelle. Absence d'origines douteuses dans la généalogie. Santé générale correcte.

Je pense qu'il y aura peu de variantes entre éleveurs concernant cette définition. Cela devrait être facile... en théorie.

Mais voilà, en pratique il est vraiment difficile de trouver des reproducteurs ! Je travaille sur le type Husky: et bien savez-vous combien de Husky naissent dans de bonnes familles en lesquelles je pourrais avoir confiance chaque année ? Dites un chiffre ? Non, moins que ça encore...

Mais, allez-vous me répondre, rien ne t'oblige à te mettre une épine dans ton propre pied en limitant ta recherche à un type de rats... Certes, vous aurez raison. Rayons le critère du Husky. Cherchons le nombre de rats naissant de généalogies où la fratrie de papa ET de maman sont suivies correctement. Nous aurons quelques familles à exploiter. Maintenant, prenons en compte le fait que (comme un certain nombre d'éleveurs) je ne souhaite pas faire de consanguinité. A chaque portée, il me faut donc trouver à nouveau un reproducteur dans mes critères, non apparenté aux autres. Cela réduit considérablement le nombre de candidats, les familles sérieusement suivies étant souvent apparentées entre elles à un moment où un autre de l'arbre généalogique.

Notre définition de la bonne repro est déjà mise à mal par la pratique. Si en plus nous devons prendre en compte que la portée que nous recherchons doit naître à une certaine période (mâles comme femelles devant avoir un certain âge pour reproduire), cela réduit encore plus nos chances de succès !

Parfois donc, il m'arrive d'envisager des portées ne rentrant pas dans ces critères. Je ne peux parler pour la majorité, mais je pense que beaucoup d'éleveurs ont préparé au moins une fois dans leur vie une portée en se disant "tel rat n'est pas idéal, je devrais pouvoir faire mieux... mais aucun choix meilleur que celui-ci ne s'est présenté à moi !".

Oui, ça m'est arrivé. Plus difficile encore à admettre... Je ne réfléchis pas à mes portées en fonction des couleurs ou des marquages à la mode, ni même en fonction de ce que la communauté pourrait en dire... Mais il arrive des moments de doute et de lassitude pendant lesquels je ne réfléchis mes portées qu'en terme de "taux de connerie"... Quel est le taux de risque que je sois en train de faire une connerie avec cette portée ?

L'éleveur et la santé du rat

Revenons-en à la définition d'une bonne reproduction. Mon adoptante reprochait à des éleveuses d'avoir continué cette branche de la famille malgré les soucis qu'elle a présenté. A tord ou à raison, peu importe actuellement. Ce n'est pas le sujet de ce texte, je n'ai même pas réfléchi à cela. Les éleveuses dont il est question y réfléchiront très bien d'elles-même en tant que concernées.

Ce qui m'intéresse le plus, c'est cette notion de santé. Nous recherchons des rats de santé correcte dans la famille. Qu'est-ce qu'une santé correcte ? C'est là, je pense, où la définition fluctue le plus d'une personne à l'autre, que les frontières se brouillent. L'éleveur un tant soit peu sérieux n'aura pas la même définition que l'adoptant. Ce dernier voit la tristesse de perdre son rat, l'injustice de la situation. Il a tout donné pour son animal, n'a pas compté son temps et son argent pour le faire soigner... Il est bouleversé, peiné, voire même en colère. Pourquoi tout est parti à vaux l'eau ? Pourquoi s'est-il donné la peine de faire X kilomètres rien que pour adopter en élevage, alors que la santé de l'animal n'a pas été meilleure que celle du premier rat trouvé à l'animalerie du coin ??

Je comprend cela. C'est une colère qui est légitime.

Cependant, et c'est terrible à dire, l'éleveur ne peut pas se permettre de considérer uniquement l'individu... Il doit considérer l'ensemble de la famille. Nous souhaiterions tous, je pense, que tous les rats nés chez nous vivent au minimum deux ans dans la joie et la bonne humeur... Mais c'est un rêve impossible et il faut en avoir conscience quand on commence à élever des animaux. Il y a toujours des animaux qui auront une santé moins bonne que les autres dans une portée, il y a toujours des échecs. Cela n'empêche pas le sentiment de culpabilité ou le désolement de l'éleveur, ça n'empêche pas sa tristesse et ses regrets sincères. Il ne faut pas croire que le recul que prend l'éleveur sur les décès est une forme d'indifférence. C'est faux, injuste et blessant !

Travailler en outcrossing (croisement d'animaux sans parenté) apporte à chaque portée son lot de hasards, d'impondérables. Travailler en consanguinité n'est guère forcément mieux: quelles tares vont apparaître ? La dépression de consanguinité va t-elle frapper cette fois ?

Nous l'avons dit dans notre définition de la bonne reproduction: la santé générale doit être correcte. Dans le genre non-dit, je pense qu'on a la palme ! Qu'est-ce que c'est une "santé générale" ? Cela revient à quoi, une santé "correcte" ?

Parler de santé générale correcte, c'est une expression creuse et banale pour dire qu'on doit faire de notre mieux. Ni plus, ni moins. Cela veut dire qu'on essaie de limiter l'apparition de pathologies récurrentes dans la famille, qu'on surveille les points que l'on connaît sensibles chez le rat (les tumeurs mammaires, les soucis respiratoires). Car nous ne pouvons pas lutter contre l'imprévisible !

Maintenir une santé correcte, cela signifie simplement éviter au mieux ce que l'on peut prévoir...

Le point de vue de l'adoptant et celui de l'éleveur

Je l'ai dit, je n'ai pas réfléchi à la pertinence des propos de mon adoptante. A t-elle raison, a t-elle tord ? Ce n'est pas à moi d'en juger car ce n'est pas directement à moi que ces remarques ont été faites.

Cependant, il s'agit bien de son adoption sur une de mes portées qui cause son arrêt définitif des rats. Cette idée ne s'est pas gênée pour me faire réfléchir et m'empêcher de trouver le sommeil. J'ai longuement réfléchi à ce que j'aurais pu, ce que j'aurais dû faire de plus pour empêcher ce qui est arrivé. Pour empêcher que ces rattes soient si malades et décèdent de pathologies sommes toutes assez moches. Pour empêcher la tristesse et la déception d'une adoptante.

Et malheureusement... Je n'ai rien trouvé. Cette portée, étonnamment, remplissait TOUS les critère minimums de la bonne repro ! Si, si, et plus encore !

Je crois qu'en fait, pour cette fois, je n'aurais rien pu faire de plus, j'ai correctement effectué mon "travail" d'éleveur. C'est à ce moment là, quand je suis arrivée à cette constatation, que j'ai enfin réussi à m'endormir. Jusqu'à la prochaine fois, jusqu'à l'arrivée de LA portée au taux de connerie trop élevé. Peut-être est-ce la prochaine, peut-être celle d'après... Je la guette, et je la crains.